Je revois encore parfaitement la scène du chien qui s’élève miraculeusement dans vos bras alors que je marchais vers vous. Pourtant tout allait bien, les bras relâchés, laisse détendue dans le centre-ville, vous étiez probablement un peu pressé, des choses à faire, un peu dans vos pensées. Et là pas de chance…
C’est moi, avec mes deux gros chiens. Vous vous empressez de soulever votre chien de le serrer contre vous puis de vous crisper sur lui au moment de la rencontre.
Il va sans dire que le malinois a en plus un délit de salle gueule. C’est vrai que depuis que je partage son quotidien, je commence à comprendre la notion de racisme… Cette même qui m’échappait lorsque j’étais enfant et que je voyais ce que TF1 avait à m’offrir.

Oui, je commence à maîtriser le logiciel photo…
Le racisme, c’est les autres…
Qu’on se le dise, s’il y a bien des « races » de chien, s’il y a des préférences. Je pense que l’on peut admettre qu’il existe bien des formes de racisme, de ségrégations liées à des races canines. Il y a d’ailleurs des lois racistes qui ne semblent révolter personnes… avec des races de chien dangereuses. Je ne savais qu’une race pouvait représenté un danger.
J’y vois là deux choses :
- Une profonde méconnaissance des chiens, de ce qu’ils sont vraiment
- L’ignorance provoque quasi-systématiquement une réponse de survie : la peur. Peut importe qu’elle soit tangible ou simple fruit de l’imaginaire
« Il s’est déjà fait attaqué » – « c’est le miens qui n’est pas sociable » – « je me méfie parce que…«
-> Le chien finit invariablement dans vos bras. OK.
Qu’on se le dise, c’est dangereux!
Tenter de vouloir protéger votre chien d’un autre en le prenant dans les bras, c’est risqué.
Déjà pour vous, vous êtes susceptible d’avoir la réaction la plus inadaptée possible. Le chien qui s’approchait de vous sans l’intention de nuire peut reconsidérer les choses, s’il sent que vous vous énervez, levez les bras en l’air et faites n’importe quoi…
De plus, pensez-vous sincèrement que vous pourriez faire rempart face à un chien de 40 kilos déterminé à croquer Kiki? Votre chien écrasé dans vos étreintes ne sera pas protégé mais prisonnier.
D’une peur imaginaire vient une réponse inadaptée.
Les conséquences réelles sont bien présentes:
- Kiki va se retrouver incapable de fuir face à la menace présente, car figé dans vos bras, son stress va monter jusqu’à son paroxysme, souvent atteint lorsque le (gros) chien « pas attaché » vient vous renifler pour tenter de comprendre qui vous êtes, tant votre attitude est bizarre pour lui… Pour peu que ce chien soit réactif au comportement inadapté de votre chien, il se défendra et gagnera probablement, rapport Poids-Puissance oblige…
- Vous transmettez votre peur et vos anxiétés à votre chien pour qui vous êtes référent. En gros il jugera normal ce que vous considérez comme normal, et sera incapable de s’adapter à ce que vous considérez comme une menace – même si c’est l’un de ses congénères. Cela donne des chiens désocialisés, incapable de communiquer.
Une communication rompue
Ensuite, votre chien exprimera une communication biaisée et incohérente à la vue d’autres chiens, noyé et imprégné de votre peur (sa référence), il lui sera difficile d’avoir des rapports sains avec ses semblables. Parfois même en allant jusqu’à la rupture totale avec ses congénères. Tout en le transformant par effet domino, en chien désocialisé, peureux, et parfois même en chien agressif à son tour. La boucle est bouclée.
Inadapté, parce que coupé de sa propre culture canine, votre chien privé d’une communication de qualité, ne se soumettra pas, n’enverra aucun signal d’apaisement pour calmer une situation tendue avec un autre chien. Parce qu’il n’en est simplement plus capable!
Son « opposant canin », qui ne fera que réagir au manque de codes, ou à l’agressivité excessive et incohérente de la part de votre chien, se verra dans l’obligation d’y mettre un terme pour retrouver sa propre stabilité émotionnelle.
Avec des conséquences :
Ainsi, dans le meilleur des cas, l’individu rencontré sera stable, peu craintif, déclinera le combat jugeant que cela ne lui apportera rien, et qu’il n’y a pas de réel enjeux pour lui.
Mais cela risque à tord de conforter votre chien dans son attitude, qui y verra là une réponse positive à son comportement inadapté…
Jusqu’au jour où le pire des schémas de rencontre se profilera et où l’affrontement se soldera par une bagarre terrible aux plaies profondes, traumatisante, et parfois même jusqu’à une mise à mort.
Les chiens sont des être sociaux
En croyant faire au mieux, vous rendez votre chien beaucoup plus vulnérable qu’il ne l’aurait été sans vous.
En effet, vous réduisez ses chances d’être un chien bien dans ses pattes, capable de s’adapter au monde qui l’entoure. Il devient alors incapable de communiquer pleinement avec ses congénères parce qu’à chacune de vos interventions en présence d’autres chiens, ses codes canins sont altérés, et ne peuvent être perçus correctement par d’autres chiens…
De plus, votre chien entre dans un flou hiérarchique, se retrouve en position « haute » dans vos bras, ce qui peut agacer d’autres chiens y voyant une tentative de prise de position ascendante alors qu’il n’en a pas la carrure.
Cette situation peut alors engendrer un comportement associable qui n’aurait sans doute pas eu lieu sur la terre ferme. Ce qu’on voulait éviter est provoqué par votre stratégie d’évitement.
Que faire alors?
Même si sa taille peut jouer dans un positionnement hiérarchique (qui restera très situationnel…), elle ne le mets pas en danger pour autant. Si votre chien sait communiquer, s’il vous lui donnez les moyens de s’autonomiser, il saura gérer les rencontres qu’il fera et éviter les écueils.
Ainsi, se soumettre n’est ni une honte, ni de la faiblesse. C’est un comportement fortement corrélé à l’intelligence de l’individu qui est capable de juger d’une situation les différents enjeux. Un individu qui ne sait pas se soumettre, est un individu en sursis dans le monde canin.
C’est en rencontrant d’autres chiens qu’on apprend à s’y adapter, que la communication s’établit, se développe et se perfectionne…
Faites-lui (…vous) confiance
Laissez-lui l’occasion d’apprendre, dans un premier temps avec des chiens de son gabarit, puis en variant les plaisirs. C ‘est un être sociale, il lui faut des interactions, avec des chiens. Ne pas le faire revient à nier sa culture canine, ce qui en mon sens est une forme de maltraitance. On ne le traite plus pour ce qu’il est, lorsqu’on lui confère un statut différent de sa nature.
En effet, le chien a de la violence en lui, c’est un fait. C’est un moyen d’expression, de communication. Et bien souvent ces bagarres lorsqu’elles ne sont pas pathologiques peuvent même se révéler pédagogiques. Il faut l’accepter, et cela passe par la compréhension de votre compagnon pour ce qu’il est : un chien dans son entièreté, et non pas pour ce qu’il représente potentiellement : un réceptacle émotionnel.
Est ce réellement judicieux de le priver de tous les bienfaits d’une communication pleine d’interactions?
Chaque prise de conscience peut conduire à la reconsidération d’une relation entre un chien et son humain. Certains efforts en valent le coup.
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